top of page

Textes

Au crépuscule de la marchandise

Les photographies des petits riens, sur lesquels parfois notre regard se pose, fixent comme le ferait un poème les signes discrets d'un monde habité. L'art de décrire les rencontres silencieuses est l'expression d'une disponibilité de l'esprit, et la méthode de déchiffrage de signes inédits. Pour filer la métaphore de l'écriture poétique, on pourrait dire que Paul Pouvreau versifie à partir du prosaïque.
L'une de ses opérations favorites consiste à traduire les images imprimées, les sigles et les marques, en une langue nouvelle. La particularité de sa méthode est de conserver le support de ces graphismes en tous genres - les sachets en plastique, les cartonnages et emballages divers - qui, par leur volumétrie, configurent un espace de représentation. L'œuvre présente ainsi, presque toujours, un contenant vide mais plein de sa surface ornée, immergé dans la représentation. Le creux bavard est mis au défi de bâtir un nouveau monde. Paul Pouvreau ne «prélève» pas, ne «cite» pas, ne «détourne» pas selon les grandes recettes des avantgardes. À bien observer ses photographies, on constate qu'elles s'organisent toujours autour de pans qui se relèvent, de motifs qui se retournent, de lignes qui se croisent pour rétablir un axe ; ce que l'on le même plan, une méthode d'égalisation - Peut-...

Lire la suite

Noirs et sombres desseins

Au milieu du chemin d’une exposition, je me retrouvai soudain devant une étendue obscure. Des feuilles du Monde, devenues crépusculaires à force d’avoir été saturées de traits de stylo bille : plans sombres où survient, flottante, une image en pleine page d’un homme spectral, en vêtements de sécurité, se superposant sur le plan imprimé, découpé par les articles, réclames, cartes et mots croisés. Ce dessin est sérié à d’autres, un crash spectaculaire sur une autoroute, un vol d’oiseaux, un entraîneur relevant un boxeur dans un ring. Quatre doubles pages se côtoient : leur juxtaposition produit un panneau monumental d’images, une partition de lieux et de territoires.
De ces dessins émane un rayonnement intrigant, inquiétant, dont l’étrangeté est d’autant plus frappante qu’elle tient d’abord à la couleur, à leur sombre tonalité. Si, comme tout art, ces dessins sont « le monde une deuxième fois » (Schopenhauer), alors ils le sont dans une certaine splendeur nocturne. Les territoires, images, surfaces, choses et signes se traversent, se déplient en une lumière singulière « entre chien et loup ».
Le regard est saisi par cette chose obscure. Sauf que chez Dante, l’errance a lieu dans l’obscur d’une forêt. Ici, l’errance réside entre les différents plans du dessin, énigmatiquement connec...

Lire la suite

Paul Pouvreau

Natures mortes et tableaux vivants, les photographies de Paul Pouvreau cultivent le singulier et l’incongru.

Familières d’un travail de composition qui les fait appartenir à la photographie plasticienne, elles sont toujours au bord de quelque chose, entre visible et insensible, entre invisible et sensible. Son art qui consiste à mettre en jeu tant les stéréotypes culturels que les codes visuels, sociaux et économiques de notre environnement vise à faire de notre monde le théâtre d’un quotidien déroutant et dérisoire, l’artiste n’ayant pas son pareil pour créer des images où la fiction le dispute à la réalité sans que l’on ne sache plus vraiment laquelle est l’une, laquelle est l’autre.

Sous des formes d’incertitudes plus que de certitudes, mon travail me semble être comme une mise en jeu continuelle de la représentation du réel précise volontiers Paul Pouvreau. Celui-ci se saisit par exemple d’un simple carton d’emballage dont le motif de paysage est silhouetté en aplat vert sur l’une des faces et le fait reposer sur un sol plus ou moins naturel d’herbes fines de sorte que l’horizon de l’un se confonde avec l’horizon de l’autre.

Si la photographie lui permet d’opérer ainsi sa propre mise en ordre du réel, la démarche de Paul Pouvreau vise pour l’essentiel à déconstruire le sujet pour reconstruire le sens. Ce faisant, elle s’inscrit à l’ordre d’une production d’images dont la finalité est la mise à nu des relations, explicites ou non, qu’entretiennent les éléments qui les composent. Il y est question d’échelle et d’ordonnancement, sur un ton qui ne manque ni de rigueur, ni d’humour.

- Philippe Piguet, 12 août 2007, Catalogue Frac Alsace

bottom of page